Les attaques de loups suscitent l’inquiétude chez les éleveurs
Les loups ont attaqué 41 troupeaux bovins, blessé 29 génisses et tué 38 d’entre elles en 2022, dans les départements du Jura et du Doubs. Pour les éleveurs, compter avec le loup est un fait nouveau.

Aucune attaque de loups n’avait eu lieu en 2021 sur des troupeaux de vaches dans le Massif du Jura. En 2022, les choses étaient tout autre. Loïc Pecoud du Gaec de Petite-Chaux (Doubs) et Léonie Auduberteau du Gaec de la Roche à Arsure-Arsurette (Jura) ont vu leurs troupeaux attaqués par plusieurs loups (deux chez Léonie, deux ou trois chez Loïc selon l’Office Français de la Biodiversité) en pleine nuit. Loïc déplore la perte d’un veau de 8 mois et demi, tué et partiellement mangé, et cinq veaux griffés ou mordus à la suite d’une attaque le 28 octobre. Léonie a perdu une génisse de 6 mois le 3 septembre.
Depuis, les deux éleveurs, comme tous les producteurs de lait des secteurs touchés, se lèvent chaque matin inquiets. Les vaches sont actuellement rentrées à l’étable au chaud pour l’hiver et a priori, « elles sont un peu plus à l’abri », considèrent les deux éleveurs, qui émettent pourtant tous deux les mêmes craintes. « En fait, on ne sait rien. Le loup rentre-t-il dans les bâtiments ? C’est le flou … », témoigne Loïc. Léonie pense à ses veaux en niche «qui peuvent se faire manger n’importe quand. Même pour les vaches, ce serait la panique dans l’étable si on oubliait de fermer une porte et que le loup entrait …»
Au printemps, que faire ?
Les éleveurs appréhendent encore plus le printemps prochain, lorsque début avril, ils sortiront leurs vaches dans les prairies. Le système Comté privilégie le pâturage, c’est son ADN. « Maintenant que les loups ont compris qu’attaquer une génisse était infiniment plus simple que s’en prendre à une biche, ils reviendront », estime Léonie. Et contre cela, ces deux jeunes éleveurs n’entrevoient guère de solutions… « Les patous ? Sur notre exploitation, nous avons 10 à 12 petits troupeaux répartis sur 250 hectares, y compris en alpage. S’il faut trois ou quatre chiens par troupeaux, c’est impossible », estime Loïc.
De son côté, Léonie entend parler de clôtures électriques avec cinq rangs parallèles à 18 cm du sol. « De la folie à mettre en place et l’obligation de débroussailler constamment. » Pour cette maman de deux enfants de 3 ans et 9 mois, dont les journées de travail sont déjà très chargées, cela relèverait de l’exploit. Elle dit d’ailleurs : « Si c’est ça, j’arrête. »

Du dépit
Tous deux ont un sentiment de dépit, mélange de tristesse et de colère. Oh, pas contre le loup, non, plutôt contre les hommes. Contre tous ceux qui jugent sans connaître le métier, dit Léonie qui s’est sentie, après l’attaque, « comme après un cambriolage ». « Des individus sont venus chez nous et ont fait du mal aux animaux qu’on élève », explique-t-elle. Après cela, elle avait toujours un œil sur Margaux, trois ans, quand à l’automne, elles allaient ensemble aux champignons. Léonie se dit qu’il y a peu de chances qu’un loup attaque la petite, mais « on ne sait jamais ». A ce traumatisme, s’ajoutent les voix des Hommes qui soufflent, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, que « c’est sa faute, qu’elle n’a pas su protéger son troupeau ». Ça lui donne envie d’arrêter de parler. Loïc, lui, parle de son grand-père qui l’accompagne chaque matin faire le tour des troupeaux. « Il a 85 ans, je suis la 5e génération de producteurs. Considérer que les gens préfèrent préserver le loup plutôt que valoriser le travail des agriculteurs, ça le bouffe. »