L’autonomie alimentaire, reine des comices

Les lauréats des 7e et 8e prix AOP récompensés

La remise du Prix AOP aux lauréats 2021 et 2022 des comices du Doubs et du Jura s’est déroulée mercredi 7 décembre à Poligny.

Coup double en décembre dernier pour le Prix AOP, qui fêtait ses lauréats de l’année en cours, mais aussi ceux de l’année précédente, faute d’avoir pu les honorer comme il se devait en 2021 (Covid). Les quatre AOP du massif du Jura ont donc donné rendez-vous à quarante-quatre exploitations, gagnantes du Prix AOP lors du comice de leur canton.
Vous ne connaissez pas encore ce prix ? Il est né en 2015 d’un partenariat entre les présidents de comices du Doubs et du Jura et l’Union Régionale des Fromages d’Appellation Comtois (dont le Comté fait partie). Il s’agissait de rapprocher le monde de l’élevage et celui des fromages AOP, tout en apportant un prix « à dimension économique » aux comices, ces joyeuses fêtes populaires où la beauté des vaches est honorée, mais plus rarement la bonne gestion des exploitations. Le Prix AOP salue donc l’alimentation du troupeau et récompense les éleveurs qui valorisent le mieux la « ration de base » (foin, regain, pâturage), réduisant ainsi leur recours aux aliments complémentaires (céréales, protéagineux, etc.)
Trois des présidents des appellations du massif jurassien, Joël Alpy (Morbier), Eric Février (Mont d’Or) et Alain Mathieu (Comté), ont remis à chaque producteur lauréat une potence et son petit chaudron en cuivre, en présence des présidents des comices. Personne n’a quitté les lieux sans avoir partagé la
fondue au Comté, « vachement » bonne, selon ces éleveurs de Montbéliardes bien placés pour juger !

TÉMOIGNAGES

Juliette et Nicolas Lecatre de Vernierfontaine, lauréats du comice de Vercel

« Nous élevons 36 vaches laitières (70 animaux au total) sur 90 ha en prairies permanentes à 750 m d’altitude sur des sols séchants. Grâce à des analyses génétiques, nous sélectionnons de bonnes reproductrices et de bonnes laitières. Chez nous, c’est simple. L’hiver, nous estimons une ration de base au
plus juste et pesons le foin que l’on donne. L’aliment complémentaire est donné à raison d’un kilo pour trois litres de lait jusqu’à 5 kg par vache. Pas au-delà. Tout est manuel, donc souple : nous savons à qui donner du regain par exemple et consacrons beaucoup de temps à chaque vache, que nous connaissons parfaitement. Nous pratiquons le sur-mesure. On n’a rien inventé, c’est Gérard Guyot, notre cédant, qui nous a appris tout ça. Aux beaux jours, nous utilisons le pâturage au fil avant, toute la saison jusqu’en novembre, ainsi que l’herbomètre. Nous limitons aussi le nombre de génisses, pour garder un maximum d’herbe pour les vaches laitières. Et comme nous ne voulons pas mettre d’engrais, nous sommes très précis sur les épandages. C’est simple chez nous, mais c’est vrai qu’on calcule beaucoup ! »

Eric Ménétrier de Vannoz, lauréat du comice de Champagnole

Eric Ménétrier est installé depuis 1983 et élève 42 laitières sur 100 ha (dont 30 ha communaux). Il sort ses vaches au pré début avril jusqu’à fin novembre et « profite des fenêtres météo qui se présentent, car plus rien n’est écrit aujourd’hui ! » Son épouse Dominique assure qu’il « observe énormément ses vaches : leurs bouses, leur poil, leur temps de rumination. Les stades de pâturage aussi. » Eric confirme : « Il faut mettre les vaches au bon moment dans tel pré pour qu’elles profitent à fond de l’herbe. Si elles mangent tout, plus besoin de passer le broyeur qui abîme la flore et coûte de l’argent. J’ai toujours cherché à donner le moins possible d’aliments complémentaires. Ça passe par la valorisation de l’herbe, mais aussi par une certaine philosophie : je ne cherche pas la performance à tout prix. Si je produis moins pendant quelques temps, tant pis. » Le producteur fait les foins autour du 20 mai, pas plus tôt qu’avant. « Il faut un juste équilibre entre qualité et quantité : la vache est un ruminant, elle a besoin de fibres. » Son foin sèche en vrac solaire et ne passe pas dans une mélangeuse : « Quel est l’intérêt de sécher en grange pour conserver la flore, si on utilise ensuite une mélangeuse qui nécessite en plus gasoil et tracteur ? Tout ça pour produire quelques litres en plus ? »

Prix AOP, récompenser les éleveurs autonomes

Dans les comices du Jura et du Doubs, le Prix AOP met à l’honneur les agriculteurs optimisant les ressources locales et réduisant les apports extérieurs, afin d’être plus autonomes en fourrages.

Souvent dans le trio de tête depuis quelques années, mais jamais premier. Philippe Chapuis, producteur de lait à Saint-Antoine est très content d’avoir remporté le Prix AOP au dernier comice de Mouthe le 18 septembre dernier ! Grâce à une forte valorisation de l’herbe, le producteur du Doubs donne une moyenne annuelle de 119 g d’aliment complémentaire pour un kilo de lait produit par ses Montbéliardes. C’est le résultat de plusieurs années de travail et d’une remise en question permanente : « Je pratique le pâturage tournant dynamique et mesure l’herbe (à l’herbomètre) en gérant le nombre de jours entre chaque passage des vaches pour que l’herbe qu’elles pâturent soit toujours jeune. J’ai aussi investi dans un séchage en grange solaire en 2014 ; je fane peu et je finis de sécher le foin en grange pour garder la plante en bon état. Cela m’a permis de nettement diminuer le volume de concentrés en hiver. Et j’observe les données du troupeau tous les quinze jours pour ajuster individuellement la ration si nécessaire. »
Le CIGC adresse ses félicitations à tous les gagnants et remercie chaleureusement les participants à ce 7e Prix AOP, qui récompense le travail de l’éleveur au profit de son troupeau et de l’environnement.

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