Modlait est un outil régional qui a pour but d’aider les producteurs de lait et les ateliers de transformation à mieux gérer leur campagne laitière, à optimiser leurs marges et à mettre en adéquation productions et marchés.

Le contexte actuel est particulier : à mi-chemin de la campagne laitière (qui a débuté le 1er avril 2014), la filière Comté enregistre une croissance de +10% de lait produit par rapport aux campagnes précédentes. Le CIGC a fixé en octobre une modulation des droits à produire “Comté” de +3,5% pour répondre à l’évolution des ventes de Comté depuis le début de la campagne (+1,7%) et au besoin de reconstitution des stocks de fromage de garde.
C’est dans un contexte comme celui de cette année, à savoir une campagne à très forte croissance, que Modlait prend tout son sens; car se pose réellement la question de la valorisation économique du lait qui est produit et qui ne trouve pas sa place sur le marché des AOP. En effet, le premier objectif de Modlait est de mettre en adéquation les volumes produits avec le potentiel des marchés. Il s’agit d’accompagner la croissance en évitant les coups de balanciers.
L’optimisation de la marge des exploitations agricoles, en prenant en compte tous les paramètres (limitation de l’apport de concentré, indice de dépendance aux intrants, capacité des bâtiments, organisation du travail…), est la finalité à laquelle la démarche Modlait a l’ambition d’aboutir.

Projets, réflexion et réalisme

Le programme Modlait propose dans un premier temps de mener une réflexion à partir des objectifs et des projets individuels des producteurs d’un atelier. La somme de ces objectifs et de ces projets construit le projet collectif initial.
Dans un deuxième temps, à partir de ce postulat de départ, la démarche via des appuis techniques individuels alternés avec des séances de synthèse collectives, permet d’analyser ce que les exploitations d’un même atelier de transformation peuvent produire et à quel coût.

Avec Modlait, chaque exploitation simule précisément l’impact de l’évolution de sa production laitière sur ses coûts de production, son autonomie fourragère et les activités de l’atelier de transformation dont elle dépend. Il s’agira ensuite de s’interroger collectivement sur le projet d’avenir de l’atelier, en anticipant l’évolution des volumes de production probables et réalistes.

Le dispositif en action

Le dispositif Modlait, qui associe réflexion collective et accompagnement individuel des producteurs, est entré dans sa phase opérationnelle en 2014.
Modlait, initié par l’URFAC, est désormais piloté en tandem par l’Institut de l’élevage et la Chambre Régionale d’Agriculture et mis en oeuvre par un collectif d’organismes agricoles (Chambres d’Agriculture, Fédérations des Coopératives Laitières et Conseil Élevage).

Depuis le début de l’année, 9 coopératives de la région se sont engagées dans la démarche : Gillois, Ounans, Aromas, Plasne, Amancey et Saint-Martin-du-Frêne ainsi que les 3 coopératives d’Arc-sous-Montenot, de Villers-sous-Chalamont et de Villeneuve d’Amont (dans le cadre d’un projet d’atelier bio en commun).

Le dispositif s’étendra à d’autres ateliers en 2015.

Plasne-Barretaine : « Modlait est arrivé au bon moment »

Dans le cadre de l’après-quotas, les AOP fromagères de Franche-Comté misent sur la réflexion globale et la réalité des marchés. La coopérative de Plasne-Barretaine dans le Jura a redimensionné son outil d’affinage pour le Comté et le Morbier grâce à Modlait. Claude Paget, vice-président de la coopérative, nous explique.

« Avec notre projet d’agrandissement de caves, nous avions besoin d’y voir plus clair sur notre politique à venir et d’interroger les producteurs sur leurs intentions de production. Modlait est arrivé au bon moment et nous a permis de réaliser une enquête auprès des sociétaires et deux réunions : une réunion d’information en janvier et une réunion de restitution en février.
La coopérative transforme annuellement 6 millions de litres de lait (dont 1,7 de lait bio) en Comté et en Morbier. Il faut qu’elle trouve le bon équilibre entre ces productions tout en raisonnant cela par rapport aux débouchés possibles. L’objectif de l’agrandissement est de fournir nos marchés et d’optimiser notre production (à l’heure actuelle, par manque de place, la coopérative est obligée de stocker les Morbier chez l’affineur et de les faire affiner à façon).
La réunion de restitution a entraîné des débats sur plusieurs questions : “Combien de lait produit en plus à échéance de 5 ans ? Veut-on produire plus ? Le peut-on ?”. Certains sociétaires ont clairement exprimé leur refus. “…st-ce techniquement possible (bâtiment, main-d’oeuvre…) ?”.
Finalement, le conseil d’administration de la coopérative a voté l’agrandissement des caves, 1 500 places en Comté et 2 000 places en Morbier. La coopérative va produire un peu plus, en cohérence avec les intentions et les capacités des producteurs (résultat de l’enquête : + 800 000 litres pour 24 producteurs à l’horizon 2018) mais aussi du fait de l’arrivée possible de nouveaux sociétaires. Nous venons d’ailleurs d’accueillir un jeune agriculteur, installé hors cadre familial.»

Claude Paget, vice-président de la fruitière de Plasne-Barretaine : « Nous avions besoin d’y voir plus clair sur notre politique à venir et d’interroger les producteurs sur leurs projets ».


Aromas : « La réflexion est ouverte »

Benjamin Delesalle, président de la fruitière d’Aromas, revient sur les deux réunions Modlait qui ont eu lieu au printemps et à l’automne, et où l’ensemble des producteurs était présent.

« La première journée d’information sur Modlait a été faite au printemps. Le matin, Florian Anselme (Jura Conseil Élevage) et Gabriel Paris (FDCL) nous ont présenté les chiffres de la filière Comté et les marchés. L’après-midi en groupe, les producteurs se sont exprimés sur les “atouts et faiblesses”, selon eux, de leur élevage, de leur coopérative et de la filière. Comment voit-on le cahier des charges du Comté : est-ce un atout ? Une contrainte ? Comment voit-on notre environnement ? Nos exploitations sont sur une zone Natura 2000 : est-ce un obstacle à l’agriculture ? Ou un avantage ? Cette réflexion en groupe nous a permis d’aborder des sujets dont nous n’avions pas l’habitude de discuter à la coopérative.

La pyramide des âges

Cette réunion et l’enquête réalisée dans le cadre de Modlait nous ont mis devant une réalité : la pyramide des âges des sociétaires aura un impact sur la coopérative, avec sept départs en retraite (sur 22 sociétaires) d’ici 5 ans et deux autres vagues à prévoir en 2021 et en 2030. Actuellement, 60% des volumes de lait de la coopérative sont détenus par des producteurs de 45 ans et plus. Attirer des jeunes, les aider à s’installer, fait déjà partie de notre politique. Depuis 5 ans, un jeune s’installe tous les ans et rejoint la coopérative. Les exploitations ne partent pas à l’agrandissement et on ne “perd” pas de lait. Avant d’être attirés par une exploitation à reprendre, les jeunes sont souvent séduits par la dynamique de la coopérative locale. Nous essayons d’être dans cette dynamique et d’investir au bon moment. Le choix d’affiner et de vendre nous-mêmes notre production fait partie de cette stratégie. Les personnes installées hors-cadre familial et les producteurs en lait standard qui nous ont rejoints ces dernières années nous le disent : ils cherchent à valoriser leur produit du champ jusqu’à l’assiette, ils apprécient aussi la « valorisation humaine » dans les coopératives.

Se poser les bonnes questions

Lors de la 2e réunion Modlait cet automne, les 22 producteurs d’Aromas ont annoncé une hypothèse d’augmentation de production de + 1 million de litres de lait par rapport au volume actuel qui est de 7 millions de litres.
Je suis surpris de ce choix de développement par le volume et non par le prix, et d’autres producteurs, qui étaient avant hors de la filière Comté, le sont aussi. Or d’ici quelques années, nos investissements coopératifs seront amortis et le prix du lait payé au producteur devrait augmenter.
Comme l’a souligné un producteur, il faut se poser les bonnes questions : la relation entre le travail, la taille du troupeau et le revenu. Beaucoup cherchent une qualité de vie au niveau du temps de travail, que nous avons dans la filière Comté, avec des structures d’exploitation raisonnables.
Au final, ces réunions Modlait créent du lien, nous font travailler en petits groupes, provoquent des rapprochements, on s’explique, les langues se délient. Et nous allons essayer de définir une stratégie commune pour les 5 ans à venir. La réflexion est ouverte ».

Benjamin Delesalle, président de la fruitière d’Aromas : « Cette réflexion en groupe nous a permis d’aborder des sujets dont nous n’avions pas l’habitude de discuter à la coopérative. »

Pour tout renseignement :

• Doubs
Nicolas Gaudillière – Conseil Élevage 25-90 / Tél. 03 81 63 26 16
Matthieu Cassez – CIA 25-90 / Tél. 03 81 56 37 54

• Jura
Frédéric Demarest – CA 39 / Tél. 03 84 35 14 50
Florian Anselme – Jura Conseil Élevage / Tél. 03 84 24 49 69

• Ain
Laurent Courtot – Ain Conseil Élevage / Tél. 03 85 29 56 57

• Coordination Régionale
Pierre-Emmanuel Belot / Tél. 03 81 54 71 56

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